La cuisine chinoise durant la dynastie des Qing (1644-1912 apr. J.-C.)


Les archives conservent de nombreuses pièces relatives aux banquets officiels. En Chine les événements importants, fêtes, naissance, mariage, enterrement ont toujours été l'objet de banquets coûteux, et tout particulièrement au sommet de l’État. Le Zhouli ou Rituel des Zhou, au cours du 1er  millénaire avant notre ère, mentionne plus de 2 000 personnes travaillant dans le service de bouche du palais. Ce train de vie, en dépit des aléas de l'histoire, n'a fait que croître pour atteindre son paroxysme sous la dernière dynastie, les Qing, au cours du 18ème siècle.

A la Cité interdite, le personnel varie entre 6 000 et 9 000 serviteurs, le service de bouche devant assurer 12 000 repas par jour en moyenne, déjeuner, dîner et collations comprises. Huit grands types de banquets sont répertoriés. Le qingzhu shenshou pour les anniversaires impériaux, le fengguang jiamian pour annoncer l'avancement en grade des fonctionnaires, le yangqing shijie pour les fêtes saisonnières du calendrier, le cian zhu hou pour les princes vassaux, le qian shouan en l'honneur des personnes âgées, le jisi zhili ou banquet sacrificiel, le huanshan zhili pour les mariages ou les enterrements.

La vaisselle de table en or, en argent, en émaux cloisonnés, en porcelaines en jade, en ivoire, est luxueuse. Les cuisines impériales disposent de quelques 3 000 pièces en métal précieux, mais la quantité de vaisselle allouée à chaque membre de la famille impériale est réglementée. Seule la dotation de l'empereur est illimitée.


La cuisine impériale comportait deux volets: le repas quotidien et le festin de gala. Le repas quotidien se composait en général d'une cinquantaine de plats, sans compter les pâtisseries. Pour l'impératrice Ci Xi, le nombre s'en élevait à une centaine, bien qu'elle n'en ait pris qu'une petite partie placée devant elle. Ces plats étaient finement préparés avec des aliments de bonne qualité (légumes frais, poisson vivant, volaille bien engraissée, etc.)

Chaque année, lors des grandes occasions, l'empereur des Qing offrait des banquets somptueux en l'honneur des hauts dignitaires et des membres de la famille impériale. Rien qu'en célébration de son 50e anniversaire de naissance en 1785, l'empereur Qian Long donna un festin de 800 tables pour plusieurs milliers de convives. 

Le festin le plus copieux et le plus soigné de la cuisine impériale était le Banquet au Menu complet mandchou-han (Manhanquanxi), qui comptait 108 à 230 plats, rassemblant les mets les plus exquis des Han et des Mandchous. Citons en exemple  :  les matières à préparer : les "huit précieux oiseaux" (l'hirondelle rouge, la gélinotte, la caille, le cygne, etc); le "huit précieux produits de mer" (le nid de salangane, l’aileron de requin, l'holothurie, l'estomac de poisson, l'ormeau, etc); les 'huit précieux produits de montagne" (la bosse de chameau, la patte d'ours, la tête de signe, les lèvres d'orang-outan, le placenta de panthère, la queue de rhinocéros, le tendon de cerf, etc) et les "huit précieuses plantes" (l'hydne hérisson, la trémelle, la morille, le dictyphora phalloidea, le champignon en tête de signe, etc.).

Le festin devait durer deux à trois jours. De plus, les gâteaux servis étaient aussi très très raffinés, à savoir : la purée sucrée de petit pois, le petit pain de farine de châtaigne, le millefeuille, la galette à la viande hachée.

La cuisine chinoise durant la dynastie Song (960-1278)


Il semble que sous la dynastie des Song (960-1278), la vie urbaine et son agitation aient succédé à la splendeur impériale. Ces trois siècles connaissent une croissance démographique sans précédent, en raison notamment de l'introduction d'une variété de riz étrangère en provenance du Vietnam qui permet deux récoltes annuelles. La plantation du thé à grande échelle est également une nouveauté importante. Maintenant à la portée de tous, le thé passe d'une boisson de luxe à celui d'un besoin quotidien.

Dans l'exposition, ce développement est évoqué autour d'un pavillon où sont réunies quelques pièces exécutées en différents matériaux : céramiques les plus simples, grès, récipients décorés de sujet poétiques, fleurs, fruits bambous.

Le goût pour les monographies est particulièrement vif à l'époque Song, sans doute en raison du développement de l'urbanisme avec ses bruits, ses encombrements, son monde nocturne, ses artifices. Certains lettrés n'hésitent pas à se retirer dans la montagne pour mener une vie rustique, écrivant de courts recueils sur les champignons, les agrumes, les épices. La gastronomie est devenue une expression littéraire à part entière.

L'ouvrage le plus complet du genre est le « Shanjia qingong, Les vivres simples d'un montagnard » dû à Lin Hong, personnage qui vécut au milieu du 13e siècle, et renonça à la ville pour méditer dans la montagne. Dans son livre, il conduit le lecteur des joies du fourneau à la vanité de toutes choses. Par le soin qu'il porte à sa diététique, il opère une transposition de la nature jusque dans son assiette. Lin Hong illustre bien cette éthique du lettré qui quitte le monde et se dépouille pour atteindre l'essentiel.

L'art culinaire durant la dynastie Tang ( 618 - 905 après. J.-C.)


La dynastie Tang offre une belle évolution de l'art de la cuisine de Chine. Chang'an, la capitale des Tang, est l'étape ultime de la « Route de la soie » où arrivent de nombreuses denrées exotiques, ce qui contribue grandement à la révolution alimentaire de l'époque médiévale en Chine. En réalité, cette ouverture vers l'Ouest commence bien avant, dès les Han, avec l'introduction de produits nouveaux (concombres, grenades, noix, sésame…) ainsi que des modes de préparations inédites. L'élément le plus important pour cette époque est toutefois l'adoption de la technique de mouture. Avec les premiers vrais moulins à meule de pierre, au 1er siècle av. J.-C., s'ouvre l'univers des mian, pains, gâteaux et pâtes. Puis apparaissent les mantou, des petits pains ronds cuits à la vapeur, les hundun une variété de spaghettis, et les jiaozi, des raviolis plongés dans la soupe bouillante, dont la popularité ne fera que croître au cours des siècles.

Avec les Tang (618 - 905) l'empire chinois devient immense. Il règne alors un esprit de tolérance inconnu auparavant, notamment face aux us et coutumes venus de l'étranger. Les nombreux fruits et légumes en provenance de l'Occident sont progressivement acclimatés dans les jardins et les vergers impériaux. Toutes ces denrées nouvelles sont désignées par le préfixe hu, étranger.

Les tables des palais sont ici évoquées par la vaisselle exotique : pots en noix de coco sculptées, cornes de rhinocéros ouvragées, coupelles en ambre, agate, cornaline ou jade, vases en verre soufflé. Mais sans doute plus caractéristiques encore sont les pièces d'orfèvrerie, aiguières en argent doré, écuelles polylobées en argent ciselé, plats et plateaux en argent repoussé, tasses et gobelets en or… Conséquences inévitables de ses excès et extravagances de table, l'obésité est de mise chez les aristocrates. Les grandes dames du temps, grâce aux ruses de la mode, parviennent à transformer leur corpulence en majesté.

La cuisine chinoise durant la dynastie Han (206 avant J-C -221 après J-C)



Les objets et les informations pour cette période émanent principalement de découvertes archéologiques exhumées de tombes de l'époque Han (206 avant. J-C, 221 après J-C). Dans les grands domaines antiques, les cuisines se trouvent toujours séparées des salles de réception : la première partie de cette section est consacrée à la cuisine et la seconde au banquet.

Avec ses travaux pénibles, la cuisine est habituellement du ressort des hommes. Aujourd'hui encore, la cuisine reste en Chine un privilège de la gente masculine. L'art de cuisiner est alors le gepeng, littéralement « couper et cuire », une terminologie descriptive qui pourrait parfaitement s'appliquer à la cuisine chinoise actuelle. On coupe en menus morceaux, conditionnement adapté à l'usage désormais généralisé des baguettes. On peut également lacérer en fines lanières ou hacher. Les modes de cuisson sont multiples : on ébouillante, on cuit à l'étuvée, on rôtit, on rissole, on poêle, on frit…

Dans la salle de banquet, le maître de maison trône par principe au fond de la chambre, sur une estrade en légère surélévation, adossée à un paravent faisant face à ses invités, comme l'attestent de nombreuses représentations. Quant aux convives, ils apparaissent alignés sur deux rangs parallèles de chaque côté du maître, assis sur des nattes avec, devant eux, des petites tables basses en laque. Des plateaux munis de pieds sont apportés entièrement garnis des cuisines où ils étaient habituellement conservés, empilés les uns sur les autres. La vaisselle en laque a remplacé le bronze dont l'usage est désormais réservé à la fabrication des armes.

Les pan circulaires sont les plats les plus courants. Ils sont accompagnés de coupes ovales munies de deux oreilles erbei, de cuillers shao, de baguettes kuaizi, de chauffe-vin lian, de grands vases à alcool hu.

La cuisine chinoise à l'age du Bronze (1600 - 222 av. J.-C).



Dans cette seconde partie consacrée à l'histoire de la cuisine en Chine, je vais vous expliquer comment la maîtrise du bronze va de paire avec le premier État centralisé. Le roi réside dans son palais et les bronziers, qui ont remplacé les potiers, œuvrent près du souverain. Ce dernier détient les armes et les outils en métal ainsi qu'une riche vaisselle qui lui sert en particulier à communiquer avec les esprits lors des banquets rituels dans le temple des ancêtres. Il est entouré de devins qui pratiquent des actes magiques sur les reliquats des offrandes. De ces banquets rituels sortira l'écriture, laquelle investira les bronzes sous la 3e dynastie, les Zhou.

Pour l'aristocratie Shang (1600 – 1050 av. J.-C., 2e dynastie royale) et Zhou (1045 - 221 av. J.- C., 3ème dynastie royale), le temple des ancêtres devient un lieu-clé, à la fois fédérateur et identitaire, l'endroit où l'on se réunit et où toutes les décisions sont soumises aux ancêtres.
C'est autour de lui que la 2e section s'organise. On sait d'ailleurs que ces cérémonies d'offrandes aux ancêtres étaient très semblables à un banquet, donnant aux vivants comme aux défunts l'occasion de jouir de la nourriture et de la boisson.

Sous les Shang, la boisson devient essentielle. Sa consommation précède tous les banquets. Le grand nombre de vases à alcool prouve la prédilection des aristocrates Shang pour la boisson. Les principaux vases en bronze sélectionnés dans cette section illustrent l'alcool et sa consommation.

Chez les Zhou, les vases à alcool se raréfient, les récipients à nourriture prennent plus d'importance. L'étiquette qui régit les banquets est devenue très rigoureuse. Les repas se prennent assis sur des nattes posées sur le sol et les serviteurs disposent les vases autour des convives, d'où le fait que les récipients étaient conçus sur des socles ou munis de pieds. 

On sert d'abord le vin, puis les poissons, les viandes et les légumes, et en dernier lieu les céréales. Pour les viandes, on dispose les morceaux découpés sur des présentoirs dou. On offre les ragoûts dans les tripodes ding, tandis que les coupes gui sont réservées aux céréales. Les tripodes ding et les coupes gui sont appelés à devenir les emblèmes du pouvoir. Les « neuf ding », (jiuding) correspondant chacun à un mets particulier, sont réservés au seul souverain. Ils seront non seulement les symboles royaux, mais aussi ceux du pays tout entier.

La cuisine chinoise dans l'antiquité (7000 - 2000 av. J.-C.)


La cuisine chinoise est l'une des plus vieilles, si ce n'est la plus vieille, du monde. Elle remonte dès l'antiquité et est est liée aux mythes fondateurs et aux dynasties qui s'y réfèrent. Les documents anciens, bien que rédigés postérieurement, en grande partie sous la dynastie des Zhou (1045-221), rapportent des événements et des comportements souvent antérieurs à la première des dynasties chinoises, les Xia (c.2100-c.1600). Ces chroniques remontent au 3e millénaire, au temps des souverains mythiques, où trois personnages, YandiHuangdi et Houji, revêtent une apparence particulière. Chacun d'entre eux est considéré comme une sorte de démiurge fondateur.



Yandi est appelé Shennong, le « Divin laboureur ». Il aurait introduit l'agriculture et également façonné les premières céramiques. Au deuxième, Huangdi l'« Empereur Jaune », on attribue l'invention des cinq  céréales. Il serait aussi le premier à avoir cuit des céréales à la vapeur (fan). Il aurait également fait bouillir de l'eau de mer pour obtenir du sel, introduisant la méthode pengtiao (« cuire et assaisonner ») qui allait constituer l'un des fondements de la cuisine chinoise. Quant à Houji, le « prince Millet », il fut ministre de l'agriculture sous les deux derniers souverains mythiques, Yao et Shun. C'est à lui que l'on devrait la préparation des boissons alcoolisées à partir du millet ou du riz fermentés.


Pour les Chinois, l'agriculture allait devenir l'occupation par excellence, la source de toutes les richesses, les fondements de la religion, le symbole même de la civilisation. De fait, les Han se sédentarisent de manière définitive, les premières communautés se regroupant en hameau autour du foyer.

Techniques et ingrédients de la gastronomie de Chine


Les 4 trésors des cuisiniers chinois sont la planche à découper, le tranchoir, le wok (à fond bombé) et l’écumoire à manche de bambou. Le pays ayant connu plusieurs pénuries de combustible, limiter le temps de cuisson est vite devenu une nécessité. Débiter les aliments en petits morceaux est donc la première tâche à accomplir. Un découpage régulier et rapide distingue le bon cuisinier du mauvais. Selon ses disciples, Confucius refusait de manger de la viande mal préparée (un découpage inégal entraînant une cuisson irrégulière) ou servie dans une sauce inappropriée.

La méthode de cuisson la plus courante consiste à faire revenir les aliments au wok sur un feu très vif. Ce procédé économise non seulement le gaz mais permet aux aliments de garder leur croquant et leurs vitamines. Ils peuvent aussi être frits ou cuits à la vapeur. La cuisson au four se fait plus rare, seuls les restaurants la pratique.

La cuisine chinoise vise à mélanger avec harmonie, dans chaque repas, les textures, les saveurs et les couleurs. La plupart des plats nécessitent un grand nombre d’ingrédients. L’équilibre des assaisonnements est essentiel : les plus courants sont la sauce de soja, le gingembre, le vinaigre, l’huile de sésame, le tofu et les oignons nouveaux.

Le riz est l’aliment principal. Les habitants du nord du pays mangent surtout une nourriture à base de blé, comme les nouilles, et divers types de chaussons et de raviolis frits, ou encore cuits au gril ou à la vapeur. La pâte de soja, fraîche ou séchée, en feuilles ou en tresses, garantit l’apport de protéines nécessaire dans une région où l’on affecte la majorité des terres agricoles à la culture et non à l’élevage.

Les vaches et les moutons, exigeants en pâturage, sont moins nombreux que la volaille et les porcs, omniprésents. De toutes les viandes, les Chinois préfèrent celle du porc. Les poissons, qu’ils soient de mer ou d’eau douce, sont également appréciés et très bien cuisinés.

Les légumes, essentiels, sont rarement consommés crus, en partie pour une question d’hygiène, l’engrais traditionnel étant d’origine humaine. Leur variété est immense, particulièrement dans le Sud, une région plus clémente. Des légumes connus en Occident y poussent, mais aussi des merveilles locales : légumes verts à feuilles, pousses de bambous, châtaignes d’eau, taro et autres racines de lotus. Certains légumes communs comme le chou et les radis blancs (salés ou séchés) servent d’assaisonnement, surtout pendant les périodes de grand froid.

Le ghitamate de sodium a une très grande incidence sur la cuisine chinoise. Cette poudre miracle, wei jing en chinois, est introduite par les Japonais dans les années 1940. Les cuisiniers chinois l’adoptèrent aussitôt, car elle rehausse la saveur des aliments qui semblent ainsi avoir mijotés longtemps.